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L’Eucharistie, une praxis chrétienne de la préservation de la création



Actuellement nous sommes menacés par une crise totale du sens de la vie en général et d’une crise écologique en particulier. Les préoccupations morales, éthiques et politiques (COP28) sont considérables. Dans ce contexte, la théologie a encore une réponse qui découle de la foi vécue. Mon propos est un modeste éveil de conscience et de foi chrétienne face au cri de la création. La thèse que nous soutenons veut que l’Eucharistie soit vécue, comme une véritable école de la participation à la préservation de la création pour cohabiter liturgiquement avec l’Emmanuel dans le Cosmos.

En effet, le pain et le vin sont des éléments de la terre dont la consécration pendant l’Eucharistie nous révèle que Dieu a donné dans la création tout ce qui nous aide à lui rendre grâce et à communier à son divin amour. C’est dans la célébration de l’eucharistie, « source et sommet de la vie chrétienne » (LG 11), que « nous obtenons le maximum d’efficacité de la sanctification dans le Christ» (cf.SC 10). Dans ce sens, notre situation dans l’Église (communauté humaine ou édifice) tient compte de notre humus natal qui est aussi notre mère nourricière et notre maison commune avec Dieu, la terre. 

Le cosmos, lieu de communion 

Nous adorons un Dieu situé. Le psalmiste nous le rappelle bien : « Notre Dieu il est au ciel. Aux hommes, il a donné la terre » (cf. Ps 115, 18). Ces deux réalités sont-elles distinctes géographiquement dans le cosmos ? Nullement ! Même quand le ciel est compris comme état d’être, la religion garde son devoir d’incarnation pour lier les hommes à Dieu. Cela se justifie par le fait que « la manière dont une religion conçoit le rapport (ou le non rapport) entre Dieu, l’homme et l’univers constitue la pierre de touche et le critère majeur par lesquels on peut vérifier la valeur de cette religion quant aux discours qu’elle tient sur Dieu » (A. GESCHE, Dieu, p.119). Le plus curieux est que les humains tendent à chercher Dieu partout sauf là où il est. Ils sont alors portés à créer des cieux dans leurs têtes. Au fait, aussi vraisemblable que cela nous paraisse, il va de soi que Dieu est aussi sur terre et il se manifeste le plus limpidement dans l’univers, dans nos frères et sœurs. Dieu dont nous cherchons ardemment le visage (Ps 27, 8) est accessible pendant l’Eucharistie, qui, pour nous, fait avenir le grand moment de l’union avec Dieu pour vivre en lui et avec lui. Aussi pourrions-nous apprendre à le chercher dans nos lieux assombris et pollués dans lesquels nous voyons moins ses traces et son étoile.

En effet, Dieu fait un processus avec l’humain dans l’acte liturgique.  La liturgie a tout un décor cosmique, sensible. Depuis les Pères grecs jusqu’à Teilhard de Chardin, l’Eucharistie (et tout sacrement, d’ailleurs, pour d’autres éléments de la terre) est un « travail » du pain et du vin, et à ce titre, une transfiguration « logique » de cette terre (Cf. A. GESCHE, Le Cosmos, p.100). C’est ce que KABEMBA soutient lors qu’il affirme qu’en se nourrissant de cette terre nourricière, « l’être humain devient consubstantiel à l’instar du Christ qui, dans son Incarnation, a participé à la matière dont il s’est fait pain et vin pour associer l’homme au sacrement de son Corps. En se faisant Hostie cosmique, le Christ est en train de consommer l’Univers jusqu’à l’apocatastase finale » (E. KABEMBA NZENGU, Et si la Terre était notre mère ? Quelle sauvegarde ! Esquisse d’une théologie écologique, p.204).

L’écologie chrétienne, une conséquence de l’Eucharistie

Dans la liturgie nous nous unissons à toute la création. La terre devient par conséquent une demeure commune, où Dieu nous partage sa vie et sa présence (Cf. A. GESCHE, Le Cosmos, p.89). La préservation de la création est donc une réponse à Dieu qui nous donne un lieu de communion avec lui. L’Eglise nous invite à cette communion dans la prière eucharistique IV : « Unis à leur hymne d’allégresse, avec la création toute entière… ».

En effet, l’Eucharistie confère au chrétien la vocation de communier au Corps du Christ dans le cosmos. L’idée que le Christ est au Centre du Cosmos avait été élaborée par TEILHARD DE CHARDIN. Reprenant Teilhard, MARTELET soutient : « par un transfert symbolique audacieusement tiré des profondeurs de l’Eucharistie, ces éléments du monde qui permettent une réception sacramentelle du Corps du Christ, deviennent pour nous, dans la vie, un vrai moyen de s’unir spirituellement à Lui…La communion personnelle, de nous avec le Christ et du Christ avec nous, si recherchée dans Le Milieu divin, n’est pas trop restreinte à la seule célébration de l’Eucharistie. Elle trouve un développement spirituel coextensif à l’existence chrétienne au cœur du monde » (G. MARTELET, Teilhard de Chardin, prophète d’un Christ plus grand, p.95). 

A en croire MOLTMANN, « Si le Sauveur est présent lui-même, de façon cachée, dans cette terre, alors elle devient celle qui porte son avenir et le nôtre. Mais alors, il n’y a pas de communion avec le Christ sans communion avec la terre » (J. MOLTAMANN, La venue de Dieu. Eschatologie chrétienne, p.338). Si le Christ est présent dans le cosmos, alors notre communion avec lui est vaine si nous ne soignons pas ce lieu. Ainsi, toutes les prières eucharistiques ne laissent pas les chrétiens indifférents à l’égard de la création. Il est très triste de célébrer l’Eucharistie sans la vivre. Horrible de quitter la messe et polluer la demeure où Dieu habite. De chaque eucharistie, notre regard sur la création devrait être plus évangélique !

Nous « Gardons et cultivons la Terre » (cf. Gn 1, 28) où le Christ lui-même a pris la chair dont il nous nourrit.  En effet, le Christ, seconde Adam (d’ADAMAH, fils de la terre, du sol), par l’Eucharistie, se fait produit de la terre pour récapituler l’humanité et tout l’univers. C’est ce que rappelle instamment le Pape François : « dans l’eucharistie, la création trouve sa plus grande élévation (…)» (L.S 236). Cela veut dire que dans l’Eucharistie la plénitude est déjà réalisée ; qu’elle est le centre vital de l’univers, le foyer débordant d’amour et de vie inépuisables. Car, dans le Pain eucharistique, la création est tendue vers la divinisation, vers les saintes noces, vers l’unification avec le Créateur lui-même.

Pour finir, cette méditation voulait montrer que l’eucharistie est un véritable appel à préserver la création. L’Eucharistie est plus qu’on ne le perçoit ordinairement, elle est le lieu de la communion entre Dieu et la création. Le pain et le vin qui y deviennent corps et sang du Christ, par qui le monde a été sauvé, nous rappelle que toute relation avec Dieu suppose aussi un rapport avec la création. Ainsi, l’homme en général, et le chrétien, en particulier, doit sauvegarder et préserver la terre pour vivre unifié. Cet appel constitue ce que le Pape François désigne sous l’expression « l’écologie intégrale ». A sa suite, cet article aura donc proposé qu’on considère l’eucharistie comme le lieu où l’humain avec toute la richesse de sa culture, son histoire mûrit et actualise sa relation avec la nature, avec les autres et avec Dieu. C’est encore une grande tâche à faire dans l’éducation et dans la catéchèse pour une conversion écologique et holistique. Que l’Eucharistie retrouve son extension dans notre vie pratique !