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La synodalité : un mouvement ecclésial, contraignant, inconfortable et confiant dans l’espérance



  « Le mot Synode (du grec sun-hodos, réunion délibérative, même étymologie Concile), désigne une assemblée de représentants légitimes et compétents de l’Eglise, visant à réaliser l’unité ecclésiale par des résolutions en matière théologique, disciplinaire et juridique. Le synode est la concrétisation institutionnelle du principe structurel de la communion, qui, en vertu de l’égalité fondamentale de tous les membres de l’Eglise par le baptême, étend aussi la responsabilité des communautés locales au niveau de l’Eglise universelle. » ( Wolfgang Beinert, Jean-Yves Lacoste (Dir.), Dictionnaire critique de théologie, Paris, Puf, 1998, P. 1116.)

Il est de ce fait une forme d’expression de la collégialité de l’Eglise, c’est-à-dire de l’unité de l’Eglise et du caractère universel de sa mission. ( Secrétariat Général du Synode des Evêques ; « Théo, l’encyclopédie catholique pour tous ») En tant que mouvement d’ensemble et marche communautaire à la suite et vers le Seigneur le Roi de l’univers, tout synode est un événement ecclésial, contraignant, inconfortable et confiant dans l’espérance des jours meilleurs. Pourquoi dit-on que le synode revêt un caractère spécifiquement ecclésial ? A quel moment est-ce que cette rencontre pourtant familiale devient contraignante et inconfortable ? En quoi est-ce qu’un synode favorise un climat de confiance dans le pèlerinage hardi de l’Eglise aujourd’hui ?

La synodalité est un mouvement éminemment et substantiellement ecclésial

Dans l’histoire de l’Ancienne Alliance, deux illustrations doivent cristalliser notre approche de la synodalité : la communauté d’Abraham et de Loth (Gn 13) ; et la longue marche du peuple d’Israël pour la terre promise (Exode et Deutéronome). Suite à un problème, une crise qui nait entre les bergers d’Abraham et ceux de Loth, ces deux responsables se rencontrent et trouvent des solutions à ces querelles. De l’autre côté, avec Moïse à sa tête, les Israélites sont libérés d’Egypte par la main de Dieu qui les conduit au désert pour une marche de purification individuelle et communautaire. Au long de ce pénible et exigeant voyage, Moïse rassemblera plusieurs fois les anciens, représentants de tout le peuple, pour réfléchir sur la marche communautaire et les différentes difficultés qui entravent ce mouvement et entachent la relation avec le Seigneur. Voilà ainsi un des origines de l’esprit de la synodalité qui conduit notre Eglise pendant son pèlerinage dans sa réalisation comme don de Dieu et mystère du corps du Christ.

Autour de Jésus et avec lui, toute crise a pu trouver une résolution efficace et durable. Rien ne s’est véritablement dénudé hors de la communauté et en dehors de la confrontation sincère et objective. Après la Pentecôte et la naissance officielle de l’Eglise, il se pose un problème conjoncturel ; et contextuel opposant les hellénistes et les hébreux au sujet de l’injustice dans le service de table au quotidien (Ac 6, 1-7). Les apôtres « convoquèrent alors l’assemble plénière des disciples et dirent : il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la parole. » D’où la naissance du ministère diaconal. En outre, l’institution synodale se forme dans les crises locales et régionales du IIè siècle, sur le modèle du concile des apôtres (Ac 15) ; Elle doit permettre de régler les conflits internes en harmonisant la foi d’une Eglise comprise comme Une dans le temps et dans l’espace (Vincent de Lérins, Commonit. 2, 3 ; 20-23).

 En tant qu’assemblée et « réunion composée avant tout d’évêques, tenue pour discuter des affaires de l’Eglise, prendre des décisions et promulguer des décrets », le synode acquiert dans l’évolution de la vie de l’Eglise son caractère ecclésial. Ainsi, l’Eglise dispose dès son existence, des mécanismes et institutions où exercer sa collégialité, son unité et son universalité à toute éventualité. Ces lieux furent systématisés par le concile Vatican II (1962-1965) et par le code de droit canonique de 1983. Il s’agit des conciles œcuméniques ; des synodes des Evêques ; des Assemblées occasionnelles ; le sacré collège des cardinaux ; les conciles particuliers, pléniers ou provinciaux ; les conférences épiscopales, d’une Nation ou d’un territoire ; les synodes ordinaires, extraordinaires et spécifiques comme celui sur la synodalité et l’avenir de l’Eglise que nous vivons actuellement.

La synodalité est un exercice contraignant et inconfortable

Bien que l’homme soit un être rationnel, libre et responsable d’après les rationalistes, il reste tout de même un héritier et victime de l’inconscient et du contraste humano-spirituel. C’est-à-dire qu’en tant qu’élément psychosomatique, chaque personne est aussi capable du bien comme du mal. L’Eglise étant dans ce sillage une société perfectible, est constituée des hommes et des femmes pécheurs qui vivent dans le monde. De par sa double nature et quelque soit l’endroit où il se trouve, l’homme restera simultanément la voie de salut et la voie de perdition pour son semblable. (( Karl Rahner/ Herbert Vorgrimler, Petit dictionnaire de théologie catholique, p. 83.)

 Alors, les difficultés, les querelles et les problèmes ne manqueront jamais aussi longtemps que l’humanité existera. Sous la base de nombreuses expériences historiques, le moyen le plus efficace pour apaiser les conflits et les affrontements s’avère le dialogue, la confrontation ou la rencontre fraternelle et conciliatrice. La synodalité s’inscrit dans cette continuité par la Tradition de l’Eglise pour venir à bout des questions sensibles qui entravent la bonne marche de la communauté. C’est un exercice contraignant et inconfortable. Comment et pourquoi ?

Marcher ensemble signifie de prime abord avoir un objectif unique et commun. Cela veut dire au moins que chacun sacrifie ses aspirations personnelles et opinions individuelles pour entrer dans le projet communautaire qui s’obtient avec la participation de tous. Or, réellement et pratiquement parlant, ce statut demeure un chantier inachevé et toujours en construction dans toutes sortes d’organisations sociales. D’où la contrainte et l’inconfort. En effet, toute crise naît avec l’apparition d’au moins deux blocs ou doctrines qui s’affrontent à propos d’une situation spontanée qui surgit.  C’est un appel à vivre dans l’uniformité et non dans l’uniformisme ; un exercice à la conformité, pas au conformisme ; un effort d’unité dans la diversité. Par ailleurs, la rencontre synodale a pour finalité de trouver les solutions aux différends à l’aide de la confrontation. Bien plus, cette réunion familiale se doit par cette activité de sauvegarder la nature et les caractéristiques de l’Eglise qui est Une, Sainte, Catholique et Apostolique. (Catéchisme de l’Eglise catholique,  n° 813-870)

  Nous devons de ce fait avoir le courage de contribuer et de construire avec les autres ; la joie de recevoir d’eux tout en les écoutant. Voilà pourquoi « pour progresser dans son discernement, l’Eglise a absolument besoin de se mettre à l’école et tous, en commençant par les plus pauvres. Cela exige de sa part un chemin de conversion, qui est aussi un chemin de louange (…) Il s’agit de se mettre à l’écoute de celles et de ceux qui n’ont pas droit à la parole dans la société ou qui se sentent exclus, même de la part de l’Eglise. A l’écoute des personnes victimes du racisme sous toutes ses formes, notamment, en certaines régions, les peuples indigènes dont les cultures ont été bafouées. Et surtout, l’Eglise de notre temps se doit d’écouter, dans un esprit de conversion, les personnes qui ont été victimes d’abus commis par des membres du corps ecclésial, et de s’engager concrètement et structurellement pour que cela ne se reproduise pas. L’Eglise a aussi besoin d’écouter les laïcs, les femmes et hommes, tous appelés à la sainteté en raison de leur vocation baptismale (…) » (La Lettre au peuple de Dieu de l’assemblée synodale du synode sur la synodalité et l’avenir de l’Eglise, 1ère session d’Octobre 2023 à Rome)

La synodalité est un mouvement confiant dans l’espérance

En tant que société composée d’individus sociables, l’Eglise a le droit de s’inspirer de la démarche synodale pour aborder et vaincre les obstacles à son épanouissement et son pèlerinage vers son Seigneur. Cette voie est préjudiciable dans la mesure où elle rassure lorsqu’elle est bien appliquée. Bien plus, cela constitue vraisemblablement la condition dans laquelle le Seigneur se fera présent et accompagnera le mouvement communautaire. « Moi, voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. » (Mt 28, 20) Rassemblée, le Christ sera là aussi longtemps que nous le serons. Laquelle présence est gage de confiance et d’espérance aux lendemains meilleurs. Si seul on peut se tromper, ce sera difficile avec les frères et sœurs, voire impossible avec le Maître. C’est ainsi qu’« Ensemble, dans la complémentarité de nos vocations, de nos charismes et de nos ministères, nous nous sommes mis intensément à l’écoute de la Parole de Dieu et de l’expérience des autres. » Dans sa vocation d’évangélisation, l’Eglise doit être au service de l’amour qui prend son origine en Dieu et la pousse vers des horizons inconnus. Pour mener à bien ce cheminement, seule la confiance peut nous porter. « C’est la confiance qui nous donne l’audace et la liberté intérieure dont nous avons fait l’expérience, n’hésitant pas à exprimer nos convergences et nos divergences, nos désirs et nos interrogations, librement et humblement » (La Lettre au peuple de Dieu de l’assemblée synodale du synode sur la synodalité et l’avenir de l’Eglise, op.cit.) le reconnaissent les participants au Synode sur la synodalité. Ce n’est que dans la confiance en Dieu que nous pouvons nous laisser emporter par le vent de l’espérance.

Originairement missionnaire, l’Eglise a toujours vécu dans son évolution historique et actuelle comme une famille, avec le souci de tous et de chacun de ses enfants à travers son caractère synodal. Ne se limitant pas seulement à la formalité de l’abstraction conceptuelle, la synodalité ecclésiale passe par les contraintes ; et les inconforts pour s’acheminer vers la confiance au Seigneur dans l’espérance. Au-delà de ces aspects, le synode dans l’Eglise catholique est un lieu primordial d’expression de l’unité ecclésiale, de l’égalité de ses membres de l’Eglise sous la base du baptême et de son universalité. Bien qu’il soit un mouvement agitant, l’option de la synodalité est une voie que nous devons tous emprunter courageusement. D’où, « Le monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir, même dans ses contradictions, exige de l’Eglise le renforcement des énergies dans tous les domaines de sa mission. C’est précisément le chemin de la synodalité que Dieu attend de l’Eglise du troisième millénaire. » (Pape François, 17 octobre 2015)