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A la découverte de la valeur du temps de carême

Le carême est un élément capital du calendrier liturgique chrétien. Chaque année, nous le vivons. Les prières et les textes bibliques qui meublent la liturgie des cendres qui nous y introduit, ne varient pas. Ils sont identiques pour les trois années liturgiques A, B, et C. Aussi pourrions-nous avoir une impression de routine alors même que nous nous y engageons. En prenant au sérieux ce risque, il m’a semblé nécessaire de redécouvrir la valeur du temps à la lumière de la foi.  

Dans plusieurs religions du monde, il existe une conception cyclique du temps. On y estime que rien de nouveau ne surgit dans la vie : le présent ne serait que la répétition du passé. En revanche, au cœur de la foi chrétienne, il y a l’affirmation d’une dynamique interne au temps qui l’ouvre à la nouveauté. Dans cette perspective, le temps qui est à ma disposition aujourd’hui est précieux parce qu’il est unique : il n’a pas existé avant, il n’existera plus. Il n’est pas seulement succession de minutes telle qu’on peut en faire l’expérience en regardant le mouvement d’une montre ; il est aussi temps de grâce, moment où Dieu veut me rencontrer d’une manière nouvelle. Les paroles de saint Paul, contenues dans le passage de la deuxième épître aux Corinthiens que nous propose la liturgie du mercredi des cendres, illustrent fort bien cette vérité : « En tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui. Car il est dit dans l’Ecriture : “Au moment favorable je t’ai exaucé, au jour du salut je t’ai secouru.” Le voici le moment favorable, le voici le jour du salut. » Chaque carême est nouveau parce qu’il s’inscrit dans l’aujourd’hui du temps de Dieu qui est temps de grâce.

Le carême : un temps de grâce

En outre, le carême est temps de grâce parce qu’il est aussi temps de conversion. Or, d’un point de vue biblique, la conversion ne consiste pas d’abord à retrouver la fidélité à une loi qu’on aurait transgressée : elle est avant tout le mouvement par lequel je retourne dans l’alliance avec quelqu’un qui m’aime à la folie ; se convertir c’est revenir à Dieu, c’est le remettre au centre de sa propre vie. Tel est le message délivré par la péricope du livre de Joel qui constitue la première lecture de la liturgie des cendres : « Maintenant, oracle du Seigneur, revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements, et revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment. »

Le carême : un temps de conversion

Par ailleurs, s’il est vrai que la conversion est retour à Dieu, il n’en demeure pas moins que ce retour s’exprime au travers des choses concrètes. Parmi celles-ci, il en est trois qui sont mises en relief, le mercredi des cendres, par le chapitre 6 de l’Evangile de Matthieu : la prière, l’aumône, et le jeûne. Au sujet de la prière, Jésus déclare : « quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. »  Ainsi, pour Jésus, la prière n’est authentique que si elle a lieu dans la “pièce la plus retirée” de ma vie, c’est-à-dire dans mon cœur. C’est là que Dieu m’attend. Celui qui n’est pas capable de faire silence pour écouter Dieu dans les profondeurs de son propre cœur, aura du mal à “goûter combien le Seigneur est bon !”

A propos du jeûne, Jésus dit : « Quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ; ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent au plus secret ; ton Père qui voit au plus secret te le rendra. »  Le jeûne rend beau ; il nous rajeunit spirituellement, parce qu’il désencombre nos vies et nous connecte à l’essentiel. Jeûner c’est montrer que je ne suis pas possédé par les choses que je possède : les choses qui me procurent du plaisir, qui réjouissent mes yeux, qui enchantent mes oreilles. Jeûner c’est montrer qu’au-delà des choses, le pain qui me fait vivre c’est l’amour de Dieu. C’est pourquoi le jeûne authentique débouche sur un renoncement en vue d’un don. Autrement dit, le jeûne engendre l’aumône, c’est- à-dire la charité. Vivre le carême c’est cela : Jeûner pour aimer davantage. Fructueux carême à tous ! Que Dieu nous bénisse !