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La marche vers pâques dans laquelle nous sommes engagés n’est pas sans rappeler l’exode d’Israël, c’est-à-dire sa libération de l’esclavage égyptien et sa pérégrination pendant quarante ans dans le désert, en vue de rejoindre Canaan, la terre de la liberté. Néanmoins, au-delà de son aspect politique, la liberté vers laquelle Israël est orientée est radicalement spirituelle : il s’agit pour lui de se déprendre progressivement de l’emprise des idoles pour ne faire alliance qu’avec le « Dieu d’Abraham, d’Isaac, et de Jacob ». En effet, c’est quand il vit dans l’alliance avec le Dieu vivant qu’Israël s’éprouve comme peuple libre. L’esclavage c’est l’autre nom de l’idolâtrie !

Les « dix paroles » (que l’on appelle aussi les « dix commandements ») dont une liste nous est fournie par l’extrait du chapitre 20 du livre de l’Exode que nous méditons aujourd’hui sont au service de l’alliance et de l’adoration véritable qui lui est sous-jacente : quand il les met en pratique, Israël marche avec Dieu et n’adore que Dieu ; quand il s’en éloigne, Israël sombre inéluctablement dans l’esclavage, c’est-à-dire dans l’idolâtrie. Dans cette perspective, le premier commandement est le fondement et le but visé par tous les autres : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage. Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi. » Ainsi, par les commandements, Israël se libère des idoles pour n’adorer que le Dieu véritable qui l’a accompagné tout au long de son histoire.

Une idole c’est une réalité façonnée par mon désir ou le désir de ma société, une réalité qui se substitue à Dieu, et à laquelle on voue explicitement ou implicitement un culte ; l’idole c’est un dieu à ma disposition, un dieu qui satisfait mes besoins, un dieu que je manipule, un dieu à mon service. Alors que dans l’adoration authentique l’homme obéit à Dieu, dans l’idolâtrie, c’est dieu qui obéit à l’homme. Cette contrefaçon de la religion qu’est l’idolâtrie peut être à l’œuvre là on ne soupçonne pas sa présence. C’est ce que met en évidence l’épisode de la purification du temple par Jésus, que rapporte l’évangile de Jean en son chapitre 2. Nous y lisons : « Comme la pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du temple, ainsi que les brebis et les bœufs. » La raison qui justifie le geste de Jésus est contenue dans cette phrase adressée aux marchands présents dans le temple : « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Le temple est consacré au culte. Cependant il arrive que, sous le couvert du culte rendu à Dieu, l’on serve des intérêts égoïstes inavoués. Dans ce cas, le temple devient paradoxalement l’espace de l’idolâtrie.

L’idolâtrie prend forme là où l’homme ne recherche plus la volonté de Dieu, quand il se refuse à dire : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. »   L’idolâtrie c’est finalement l’option pour le dieu de la facilité au détriment du Dieu qui nous parle à partir de la croix du Christ. Le Dieu crucifié n’est pas aimé. Et pourtant, c’est lui et lui seul qui ouvre devant nous un chemin de vie en abondance. Saint Paul l’avait compris, lui qui, aux prises avec les détracteurs de la foi chrétienne, déclara : « Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux, et que les Grecs recherchent une sagesse, nous, nous proclamons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes. Mais pour ceux que Dieu appelle, qu’ils soient Juifs ou grecs, ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. »

Alors que nous nous acheminons vers pâques, il nous est comme proposé de faire la vérité sur notre vie. Ces questions peuvent nous y aider : « Le Christ crucifié est-il effectivement mon Dieu ? Est-ce en lui et en lui seul que j’ai mis ma confiance ? »