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Homélie du XIIème Dimanche du Temps Ordinaire

La semaine passée le titre de notre réflexion sur les lectures proposées par la liturgie du XIème Dimanche du temps ordinaire était « Tout est gratuit ». Et bien, cette semaine, je voudrais continuer notre réflexion sur la parole de Dieu proposé pour ce dimanche en disant que tout est garanti. Oui, Dieu est le garant de notre vie. Suivant les mots de saint Paul, nous pouvons aussi dire qu’« en Lui nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Ac 17, 28). Voilà la raison qui nous pousse à ne pas nous inquiéter quel que soit les circonstances de notre vie.

Cependant, il n’est pas automatique. Quand nous avons compris et nous avons cru que Dieu garanti tout, que nous sommes dans Sa main, cela ne veut pas dire que nous aurons les attitudes et les aptitudes nécessaires pour avoir la confiance à 100 % en Dieu. Quand saint Paul dit en 2 Tm 1, 12 « je sais en qui j’ai cru », il n’était pas au sommet de la réussite de sa vie. Les phrases qui précèdent cette célèbre expression paulinienne « scio cui credidi » nous disent déjà tout. C’est au moment de souffrance que Paul nous aurait laissés ce mot plein d’espérance et de foi en Dieu comme héritage.

Frères et sœurs, tout le monde a déjà expérimenté la peur, l’angoisse qui nous paralysent. Les expériences mauvaises et horribles ne sont pas moins dans notre vie. Pour certains même, nous avons l’impression qu’elles sont collées à nos dos pour de bon. D’où l’expression française, c’est moi qui te porte la poise pour dire que je te porte malheur. Avec moi, rien ne va ; toujours il y a quelque chose qui ne tourne pas en ma faveur. N’est-ce pas le prophète Jérémie, dans la première lecture, se sentait aussi comme un prophète de malheur, celui qui proférait des menaces à Jérusalem et même à l’ensemble d’Israël, infidèle à l’Alliance avec le Seigneur ? Écoutons cette parole : « car, ainsi parle le Seigneur : ‘‘ Je vais faire de toi un épouvantail, pour toi-même et tous tes amis. Ils tomberont sous l’épée de leurs ennemies, qui les pilleront, les prendront et les emporteront à Babylone » (Jr 20, 4). Bien-sûr que ce verset ne fait pas partie de la péricope que nous écoutons aujourd’hui dans la première lecture. Toutefois, il nous aide à comprendre le contexte de ce chapitre, connu par certains biblistes comme les confessions du prophète Jérémie. Ce même verset nous aide aussi à entrevoir la complexité de la vie prophétique assumée par ce jeune prophète d’Anathot. Le désespoir était si fort jusqu’à ce que le prophète ait pu souhaiter le malheur de ses détracteurs (Jr 20, 12). Cependant, devant l’évidence du caractère inéluctable de la perte de son espoir, nous avons suivi la confession de Jérémie : « Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable…. C’est à toi que j’ai remis ma cause » (Jr 20, 11). Quel exemple de foi ! Juste une parenthèse…. Comment ne pas penser en écoutant toutes ces paroles de Jérémie à Jésus au moment de son agonie lorsqu’il criait : « Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27, 46 ; Mc 15, 34).

Nous pouvons dire à haute voix que tout cela n’est que de l’absurdité, illogique et insensé. D’un côté, c’est vrai. Car, les souffrances qui existent dans ce monde sont souvent incompréhensibles. Je me demande parfois pourquoi Lui, le Créateur, Le tout-puissant permet que toutes les atrocités se produisent ? Malheureusement, je ne trouve pas de réponse à ma question. D’un autre côté, toutefois, face à toutes ces souffrances inexplicables, je crois avoir compris la parole de Jésus qui dit : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger » (Mat 11, 28-30). Hélas, Dieu n’efface pas la souffrance de la vie de l’Homme. Mais, Il promet, Il garantit que tout se passera bien. Rien n’est trop lourd à porter si l’on supporte tout avec Lui. Citons encore Saint Paul qui nous dit « Je peux tout en Celui me donne la force » (Ph 4, 13). Ou, réfléchissons sur la troisième parole que la Vierge Marie, en apparaissant à Bernadette Soubirous, disait à cette dernière au 18 février 1858 : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ».

ATTENTION ! Certains peuvent dire tout de suite qu’ici, je suis en train de justifier la souffrance. Je suis en train de cautionner tous les malheurs qui s’abattent sur l’Homme. Ou pire encore de dire que je suis en train d’endormir les gens en leur disant qu’il faut souffrir pour entrer dans le Royaume des cieux. Autrement dit, il ne faut rien faire, Dieu nous sauvera. NON ! Je ne suis pas en train d’exhorter tout le monde pour supporter seulement la souffrance, point et trait. Mais, je voudrais souligner un aspect que rien ne peut être plus grand que Dieu. Même les souffrances les plus atroces ne peuvent pas dépasser Dieu. Le centre de tout n’est pas moi avec ma souffrance, mes limites, voir même mes péchés. Oui, tout ne tourne pas autour de moi. Tout est déjà prévu par Lui. Tout est garanti par Lui. Comment expliquer cela ? Voilà le grand problème ! Tout une vie ne suffira pas pour découvrir la réponse à cette question. Seulement lorsque nous serons face à face avec Lui peut-être nous pourrions Lui poser la même question ? N’est-ce pas il y a un adage qui dit « Dieu écrit droit avec des lignes courbes » ? Cela veut dire que tout ce que nous considérons comme échec total, une grande catastrophe, Dieu peut en faire des merveilles. Le personnage de Job dans littérature de la sagesse de l’Ancien Testament a raison de dire : « Nu, je suis sorti du ventre de ma mère, nu j’y retournerai. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris : Que le nom du Seigneur soit béni !... Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? » (Jb 1, 21 ; 2, 10).

Oui, en réfléchissant sur la parole de Dieu et en priant avec elle en ce XIIème Dimanche du temps ordinaire, encore, je suis enchanté par cette manifestation de l’amour infini de Dieu à notre égard. Ce sentiment de « se savoir aimé » malgré les difficultés de la vie avec ses tragédies nous interpelle à être passionné de la vie, combatif dans tout ce que nous entreprenons, courageux face aux contrariétés, innovatif dans la monotonie de la routine. Cet esprit de ne rien laisser tomber parce que je crois en Dieu est surement différent du courage ou de la passion que Sisyphe vivait selon l’explication d’Albert Camus dans son livre Le mythe de Sisyphe. Ce qui fait la différence, c’est justement la foi en Dieu. Notre héroïsme dans notre lutte quotidienne sous le poids du fardeau n’est pas un simple courage de vie ou force infinie de vire l’absurde. Oui, malgré nos doutes et nos peurs, nous ne baissons pas les bras. Nous ne nous inclinons pas devant tous les maux qui sévissent et avilissent l’Homme. Tout cela, nous le faisons parce que nous croyons qu’après la passion il y aura la résurrection. Qui pourra opérer ce changement, ce « saut » ? C’est Dieu. Oui, c’est seulement Lui qui nous donnera le courage de « sauter », de changer. Pour nous, les croyants, le saut qu’on fait dans la vie n’est pas dû à nos propres courages de vivre le pire, mais c’est parce que nous croyons en Dieu. Cette croyance nous donne le courage nécessaire pour lutter sans arrêt.

Je pense qu’en ce dernier point que se trouve le vrai défi, voire même le vrai problème de tous les croyants de n’importe quelle religion. Souvent, nous pensons que croire égale soumission totale sans rien raisonner. Je pense que c’est le contraire. Croire signifie, après avoir beaucoup raisonné, réfléchi, j’ai pris la décision de m’abandonner à Dieu. Croire signifie se jeter dans le bras de Dieu qui ne nous laissera pas nous écraser. La parole de l’évangile d’aujourd’hui nous rappelle fortement. « Soyez donc sans crainte ». Quelqu’un dira : « Il est facile de dire : sois courageux et crois seulement. Mais quand la menace de mort est imminente, cela ne sera pas la même chose ». C’est pour cela, tout en écoutant cette parole de Dieu aujourd’hui, renouvelons notre foi inébranlable en Dieu. Imitons Jésus qui disait au jardin de Gethsémani : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux » (Mat 26, 39).

Pour finir, nous sommes bien conscients du manque de courage qui peut nous habiter, de la peur qui peut nous envahir à tout moment ou de l’angoisse qui peut nous faire fuir comme ce qui a été arrivé à saint Pierre Apôtre la nuit où Jésus était interrogé chez Caïphe. Continuons à demander que le Seigneur vienne au secours de notre peu de foi. Car, sans la foi tout semble impossible. Mais, avec et dans la foi, tout possible, même surmonter la peur en bravant le danger, voire la mort. Nos limites nous font comprendre que nous ne sommes pas le plus fort, capable de tout. Comme nous a dit la femme philosophe Simone Weil « Notre vie est impossibilitéabsurdité. Chaque chose que nous voulons est contradictoire avec les conditions ou les conséquences qui y sont attachées, chaque affirmation que nous posons implique l'affirmation contraire, tous nos sentiments sont mélangés à leurs contraires. C'est que nous sommes contradiction, étant des créatures, étant Dieu et infiniment autres que Dieu. La contradiction seule fait la preuve que nous ne sommes pas tout ».

Bon dimanche !