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Carême : spiritualité du partage



Du livre de Antony de Mello : « Awareness, the perils and opportunities of reality, (New York : Doubleday, 1992),” j’ai appris que la spiritualité n’a rien à avoir avec la religion. Ça peut sembler étrange mais pour Antony de Mello, elle est une prise de conscience, un réveil du sommeil. La prise de conscience d’une chose est à la fois différente de la connaissance d’une chose et du fait d’avoir des informations sur une chose. Nous avons certainement quelques connaissances et quelques informations sur le partage. Il reste à savoir si nous sommes conscients de ce qu’est vraiment le partage, et de ce qu’il implique dans notre vécu quotidien.

J’ai pris part à une conférence sur la spiritualité xavérienne dans laquelle  le P. E. Pulcini, Sx., l’intervenant du jour, a insisté sur la signification de la Spiritualité. Celle-ci, disait-il, réfère à une chose dans le monde de l’expérience. C’est la vie de l’esprit en nous et cela implique une réflexion sur ce qui est expérimenté. La spiritualité est  une science des moyens, une réalité expérimentée.

Le mot partage quant à lui est souvent confondu avec les mots «Charité et/ou Amour ». Bien que l’amour ne veut pas dire tout simplement partage. Quand est-il de la Bible à ce propos?  Dans la Bible, les mots charité et amour sont utilisés en référence à ce que le partage implique. Cependant ces mots diffèrent. A ce que je sache, le partage consiste à donner quelque chose de ce que je possède. Il peut s’entendre aussi comme le fait d’avoir quelque chose en commun. Nous pouvons partager des biens matériels comme ceux immatériels. Cependant, nous nous focalisons ici sur le matériel, l’aumône. Ayant éclairci les notions de partage et de spiritualité, que peut-on alors appeler la spiritualité du partage ? Quelle est la prise de conscience de ce qu’est le partage ?

En effet,  les religieux sont  réputés être des avares. Une telle réputation peut autant affecter un religieux, une religieuse que toute autre personne. St Paul dit : « C’est un devoir pour nous les forts de porter l’infirmité des faibles et de ne pas chercher ce qui nous plaît » Rm 15,1.  Ce passage  nous ramène à notre Maître, le Christ qui, avant de partager son amour avec le peuple ;  s’est laissé mouvoir par la dimension empathique. Avant de guérir l’infirme, réanimer le mort, donner du pain à l’affamé ; l’Evangile nous dit qu’il  fut saisi de pitié. Au fait, le mot compassion est défini comme « un sentiment qui nous fait partager la souffrance d’autrui. »(Dictionnaire électronique.) Bien défini en anglais comme « Deep awareness of the suffering of another, coupled with the wish to relieve it. » Il s’agit d’une profonde prise de conscience de la souffrance de l’autre, mais soudée au  désir de l’apaiser. C’est cette compassion  qui animait le Christ. Une compassion qui est premièrement une affaire d’humanité, une affaire de sentir (strong feeling),  de la volonté d’aider (wish),  de prise de conscience. La compassion de Jésus se terminait toujours par un « Lève-toi, prends ton brancard et va à la maison » Mc 2,11; un « Je te l’ordonne, réveille-toi. » Luc 7,14b. La spiritualité du partage doit être comprise dans ce dynamisme de compassion qui nous rappelle notre humanité et nous pousse à guérir. Etre humain, c’est percevoir le besoin d’autrui. A cette humanité, nous pouvons alors  augmenter la morale, la chrétienté et tout ce qui semble nous rendre plus humains.

Ceux qui pensent que nous sommes avares peuvent avoir raison car nous nous heurtons à deux dangers : la rationalisation et la compulsion. J’ai entendu certaines histoires selon lesquelles une poignée de gens a déçu quelques religieux en se déguisant en pauvres alors qu’elle ne l’était pas. Cela, pour bénéficier de l’aide. Une déception qui pousse certain(e)s religieux (ses) et autres personnes à ne plus partager.

Des situations similaires peuvent nous empêcher de vivre la spiritualité du partage. Comme le Pape l’a souligné dans le message du Carême, Dieu ne s’est pas réveillé et a automatiquement sauvé son peuple. Il a fait  tout un processus de prise de conscience. « J’ai vu la misère de mon peuple… je l’ai entendu crier… Je suis descendu pour le délivrer »Ex. 3, 7-8.  C’est ainsi que notre Dieu agit avec les pauvres, les miséreux. Il m’a été dit que le conseil évangélique de la pauvreté devrait aider à s’engager avec les pauvres pour, ensemble avec eux, combattre toute sorte d’oppression pour une vie digne (Constitutions 27). Cette spiritualité  devrait être la lutte contre la mondialisation de l’indifférence.

Penser qu’à tout moment il faut aider le mendiant rencontré, c’est vraiment une naïveté, une mécanique et une compulsion non une vertu. Antony de Mello, dans  le livre ci-haut mentionné, a donné l’exemple de son confrère qui ne pouvait pas dépasser un mendiant sans l’aider.  Ce confrère se comportait ainsi,  car sa maman accueillait toujours les pauvres à leur domicile. Antony considère cela comme une compulsion (p.131).  Ce n’est pas cette compassion qui est tout un processus.  Ce n’est pas digne aider quelqu’un qui est capable de s’aider soi-même et même aider les autres. Ce sont des forts, au sens paulinien, mais qui s’adonnent à la mendicité. Le processus de voir, écouter, sentir puis agir comme notre Dieu nous guidera au discernement.

Enfin, si nous sommes d’accord que la spiritualité du partage est une affaire de la vie et de l’expérience, nous verrons alors l’importance de ce Carême qui, avec ses trois piliers (Prière,  jeûne et partage), nous fait grandir en  humanité. Ainsi, nous serons en mesure de le concrétiser en vivant une vie de partage. Il sera un temps d’amour qui nous rapproche de Dieu amour. « Si tu cèdes à l’affamé (de)  ta propre bouchée… ta lumière se lèvera dans les ténèbres » (Is. 58, 10). Alors tu vivras la vie en esprit et à cause de toi, il sera dit : « Un grand prophète s’est levé parmi nous et Dieu a visité son peuple ». (Lc 7, 16)