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ET SI NOUS PRATIQUIONS CE QUE NOUS DISONS  !



Nous sommes tous témoins de la dégradation de presque tous les secteurs de notre société. Nous avons l’impression de vivre dans une période sans repère encline au diktat de la dépravation. Dès que nous ouvrons nos yeux, nous lisons ici un journal sur les massacres qui ravagent le pays et là un autre sur les puissants qui s’imposent au monde, non pas pour le bien de tous mais pour la satisfaction de leurs appétences désinvoltes. Au cours d’une simple promenade, mes yeux continuent leur tâche : voici des sans-abris, des quémandeurs à longueur des journées, des marginalisés, etc.  Ces pauvres ne sont victimes ni d’une quelconque maladie mentale ni d’une malformation corporelle. Il s’agit -nous le disons avec amertume- d’un résultat de l’égoïsme et de la méchanceté de leurs semblables.  Là où le bât blesse, c’est que tous se réclament chrétiens, c’est-à-dire missionnaires du Christ par le baptême qu’ils ont reçus. Imaginez-vous le tournis à ressentir devant ces délabrés. Imaginez-vous la peine de réaliser que ces situations prennent corps dans un milieu chrétien !

Il s’avère alors impossible d’envisager une société paisible, soustraite à ces péripéties, si au départ la conscience ne s’éveille pas.  Il s’avère urgent de tenir la fidélité aux engagements qui définissent notre identité chrétienne. Nous ressentons un véritable besoin d’un modèle pratique plutôt que des théories dépourvues de concrétude. Au regard des flétrissures de notre société, nous pouvons sans complexe dire que l’identité chrétienne de certains d’entre nous est restée au niveau théorique.

Des pistes pour juguler cette caverneuse situation :

  Passer des enseignements théoriques à la pratique : agir effectivement.

Ces fameux enseignements dont nos oreilles s’emplissent à longueur des journées (à tout bout de champs) dans les églises, où finissent-t-ils ? Je suis tenté de dire qu’ils finissent par ressortir sans influencer aucun de nos comportements. Notre consternation trouve ses racines dans les agissements des chrétiens dépourvus d’humanité. Nous considérons que tout chrétien, partout où il peut se retrouver, doit faire montre d’un caractère missionnaire puisé dans le Christ. Ses actions et ses dires doivent passer au crible de cette dimension, sans laquelle il ternit son identité et acquiesce à tout vent qui souffle.

 Il s’avère alors urgent de passer de la théorie à la pratique. Le Cardinal W.  KASPER nous propose la pratique ecclésiale et la civilisation de l’amour. La pratique ecclésiale consiste en la pratique de la charité auprès des nécessiteux. Il nous rappelle que dès le début de la vie ecclésiale, l’Eglise se démarqua par une pratique de charité basée sur le message de l’évangile. (Cardinal WALTER KASPER, La miséricorde, notion fondamentale de l’Evangile, clé de la vie chrétienne, p. 164.) Les chrétiens se considéraient comme des véritables frères. Dans ce cas, tous les marginalisés, les malades, les pauvres, les veuves et les orphelins bénéficieront de cette charité et les païens qui observent comprendront combien il est important d’appartenir au Christ Sauveur. Ainsi s’accompliront ces paroles : « Portez les fardeaux les uns des autres : ainsi vous accomplirez la loi du Christ » (Ga 6, 2). Quant à la civilisation de l’amour, elle ne s’arrête pas au niveau de la matérialité, elle cherche à instaurer des relations enduites de charité, de considération et de la chaleur humaine.

 

Promouvoir la fraternité universelle par le biais de l’amour sans frontière.

Nous suggérons avec force l’attention à l’égard de l’autre. Dès que celui-ci est considéré comme frère et créé comme nous, les raisons de prendre soin de lui malgré le sacrifice que cela requiert, sont incontestables. Cette attention trouve sa motivation dans l’amour : règle de toute la vie chrétienne. Cet amour nous pousse à nous rendre compte de ce dont l’autre a besoin sans son moindre cri de secours à notre égard. Nous avons le devoir de faire attention à ce que ce grain d’amour ne disparaisse de notre cœur. S’il s’envole, notre conscience s’émousse, notre égo se solidifie, notre orgueil s’enfle, notre cœur se durcit, notre vie chrétienne reste au niveau de la ritualité. Cet amour qui nous étreint jusqu’à rencontrer pratiquement et effectivement les autres dans leur misère nous fait échapper à la critique selon laquelle peu de nos actes suivent nos paroles. Reprenant Rerum Novarum de Léon XIII, Walter Kasper dit qu’« Il faut avoir un regard d’amour et de miséricorde, car l’amour est un stimulant indispensable tout d’abord pour reconnaître à temps les nouvelles détresses sociales et les nouveaux défis à relever  et ensuite pour s’attaquer énergiquement aux racines de la détresse, une fois reconnue, et pour la surmonter » (Cardinal WALTER KASPER, op.cit., p. 186.

Seul l’amour pour les autres nous poussera à réagir en leur faveur. Nous ne saurions appartenir à Jésus si nous sommes caractérisés par une certaine indifférence devant les pauvres, les marginalisés et les affamés. M. PLEVOETS abonde dans le même sens en disant que « Si quelqu’un est dans le besoin, il doit être aidé. Celui qui vit dans le luxe et ne partage pas avec celui qui vit dans la misère, ne peut plus s’appeler disciple de Jésus. Celui qui vit dans l’opulence et ne donne pas à celui qui a faim, ne peut plus s’appeler chrétien, il ne fait plus partie de la communauté des enfants de Dieu ».( MAURICE PLEVOETS, Le chrétien à l’heure du changement,p 122.) Tout humain a ce commandement à l’intérieur de lui-même. Il est appelé alors à lui obéir. R. BULTMANN nous rappelle que « Quiconque voit un blessé sur le chemin sait fort bien sans commandement extérieur qu’il faut l’aider » (RUDOLF BULTMANN que cite W. KASPER, Op.cit., 104).

Au cœur d’une société bourrée d’une panoplie de discours, de déclarations qui ne débouchent que rarement sur le réel, les personnes sont confuses, brouillées et sans repère. Le besoin d’un modèle éclatant, on dirait d’une lumière au fond d’une vallée obscure, se fait sentir. Nous avons besoin des hommes attentionnés à la situation catastrophique des autres. C’est une bonne attitude que devrait incarner tout missionnaire c’est-à-dire tout chrétien. Que les paroles soient émises pêle-mêle selon les humeurs liées aux circonstances ou pas, la pratique reste le critère d’évaluation de leur consistance. Seule la pratique dissipera la dichotomie que nous établissons entre ce que nous disons et ce que nous faisons.  On ne peut pas se contenter de rester dans une indifférence totale face à la misère de l’autre ; à moins qu’on ait des entrailles congelées. Privilégions les actes de charité et non les discours aux allures humoristiques et démagogiques.  Passons à l’action ; c’est urgent.