Skip to main content
Partager cet article

De l’engagement social des jeunes chrétiens



En marge du Synode sur la pastorale de la jeunesse, le Centre d’Études Africaines des Missionnaires Xavériens  a donné la parole au Père Franco Bordignon. Dans cette interview avec le père Louis Birabaluge, il y livre son témoignage sur son long et fructueux engagement social chrétien, lequel peut inspirer les jeunes chrétiens et les nombreux candidats à la religieuse et sacerdotale.

Père Louis Birabaluge, sx (LB) : Vous êtes missionnaire en RD Congo depuis le 09 septembre 1972, votre présence missionnaire a été marquée par un fort engagement social. Pourquoi ? 

Père Franco Bordignon sx (FB) : Chacun vit l’appel du Seigneur d’après sa nature, ses dons, ses charismes, sa préparation, bien sûr dans les limites de tout mortel. J’ai eu la chance d’avoir une spécialisation en sociologie. Par là j’ai essayé de conjuguer l’annonce de la PAROLE dans les tissus quotidiens de la vie. Après un fort engagement dans la catéchèse dans la paroisse de Kadutu – en 1975 il fallait créer un nouveau style de catéchèse pour les enfants, les jeunes, les adultes après la nationalisation des écoles et la suppression des cours de religion – je me suis trouvé dans la paroisse de Cimpunda-Archidiocèse de Bukavu, dans un contexte qui m’incitait à tenir ensemble la formation religieuse aux catéchistes et les interpellations de la société abandonnée de cette périphérie. J’ai eu la grâce d’avoir des collaborateurs laïcs chrétiens convaincus. Sans oublier les Pères Xavériens Camorani Lorenzo et Tumino Giovanni avec lesquels on travaillait.

LB : Quel lien trouvez-vous entre la foi chrétienne et l’engagement social ?

FB : A partir de la lettre se Saint Jacques et surtout de l’Evangile de Luc je me suis aperçu que seulement l’enseignement de la catéchèse et la formation des catéchistes ne pouvaient pas exprimer toute ma dimension missionnaire. La question qui me revenait en tête était alors : comment évangéliser ? Par la parole et par les actes, par la présence et par le témoignage. L’annonce de l’Evangile ( la Bonne Nouvelle) doit absolument être accompagnée par des signes de libération de l’homme. « Libération » dans sa signification au sens large, dans toutes les composantes et structures humaines. La promotion humaine est un engagement inaliénable de la foi chrétienne et du croyant qui la professe.  Encore plus pour le missionnaire.

LB : Avez-vous quelques bons souvenirs de votre engagement social que vous portez ?

FB : Les souvenirs sont par myriades surtout en provenance des villageois lors que l’eau arrivait au village dans des tuyaux et coulait dans des robinets à la portée de la maison…. ou des habitants abandonnés à eux même qui prenaient courage après une session sur leurs droits et leur dignité. Des agents de la sureté qui m’avertissaient à temps quand il fallait s’éclisser suite à des combats pour la justice, les sessions sur la démocratisation, la défense des certains dossiers criant où le droit du pauvre étaient bafoués. Très souvent les aides venaient de gens dont on ne pouvait pas s’attendre !

LB : Le prochain synode des évêques qui a lieu à Rome portera sur : « les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Dans le contexte de la RDCongo pourquoi est-il nécessaire d’aider les jeunes chrétiens à tenir ensemble leur vie de foi chrétienne et l’engagement social ?

FB : L’engagement social n’est pas facile. Le danger de toute religion, particulièrement pour la jeunesse, c’est de se retrancher derrière un voile spirituel-liturgique. Il est très gratifiant, joyeux, vivant, satisfaisant…. Mais par après, il ne descend pas dans les tissus quotidiens de la vie. Nous tous nous savons que l’avenir de toute société ce sont les jeunes. Ils ont le courage, l’espérance, les idéaux, l’enthousiasme, l’optimisme. Mais tout ce bagage de richesse humaine et chrétienne ne peut se manifester et se réaliser principalement dans le secteur spirituel-liturgique. Il doit descendre dans le concret de la vie quotidienne. L’engagement social prend ses racines de ce bagage et devient réalité libératrice dans un engagement social concret. Ainsi ils peuvent donner courage aux adultes découragés.

LB : L’Eglise de la RDC est un terrain fertile pour les vocations religieuses et sacerdotales. Comment peut-on accompagner aujourd’hui les jeunes générations des prêtres et des consacrés pour qu’elles découvrent le lien entre  la prêtrise, la vie religieuse consacrée et l’engagement social ?

FB : On pourrait même dire que l’avenir de l’Eglise en Afrique c’est la RDC par la floraison des vocations dans tous les charismes. C’est vraiment le temps de l’Esprit. Mais le danger est présent : dans une société où la jeunesse envisage son avenir sans espoir, il y a risque de choisir la vie religieuse comme solution définitive pour éviter le combat avec le quotidien dans une société qui ne t’offre aucune garantie. L’accompagnement ne doit pas cacher au candidat que la vie du religieux ou du prêtre qu’il est en train de choisir  est un service, une immolation, une donation au service des autres, surtout les marginalisés de la société. Son avenir ne lui appartiendra plus en fonction de sa famille ou de ses intérêts personnels. Cet engagement dans la donation devrait déboucher forcement dans une vie d’engagement social. Car toute proclamation de l’évangile se manifeste dans l’action concrète au service des autres. Autrement, il n’y a pas de vocations presbytérales religieuses authentiques !

LB : Un mot d’exhortation à l’Eglise catholique de la RDC en général et celle de Bukavu en particulier !

FB : D’abord une louange pour les documents de la CENCO ou des Conférences Episcopales provinciales. Ces sont des monuments pastoraux d’actualisation de l’Evangile dans le contexte actuel de notre Pays. Mais trop souvent, comme tout le monde le remarque, les documents ne sont pas vulgarisés dans les langues locales pour être à la portée de la base. Ils n’ont que  peu de  suivi pour l’actualisation.  C’est comme si la ligne prophétique s’arrête au niveau de la plume. Néanmoins l’Eglise de la RDC, et celle de Bukavu en particulier, reste le phare vers lequel tous tournent leurs yeux – catholiques ou pas – la bouée de sauvetage qui indique le vrai chemin pour arriver à une conquête non violente de la liberté. Il est important que notre Eglise persévère sur cette voie.